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TerrAmaz et les « Dialogues Amazoniens»

Les membres du projet TerrAmaz ont participé aux Dialogues Amazoniens, à Belém au Brésil, dans l'État du Pará. Ces dialogues ont eu lieu entre le 4 et le 6 août, avant le Sommet de l'Amazonie, qui s'est tenu du 7 au 9 août . L'événement était une initiative du gouvernement fédéral brésilien, avec une large participation sociale et plus de 350 sessions auto-organisées par des organisations de la société civile, des universités, des centres de recherche et des agences gouvernementales.

TerrAmaz était présent à l'événement grâce à la participation des membres du projet. La directrice du projet, l'économiste Marie-Gabrielle Piketty, et le doctorant David Katz Asprilla, ont apporté des réflexions sur les stratégies territoriales visant à promouvoir des transitions agricoles durables, la conservation et la restauration des forêts et l’inclusion sociale. René Poccard-Chapuis, coordinateur du projet à Paragominas, a contribué au débat sur l'élevage régénérateur et l'intensification modérée des systèmes d’élevage bovin. TerrAmaz travaille sur toutes ces questions avec les acteurs locaux des territoires amazoniens du projet. 

Les défis des approches territoriales pour un développement « zéro » carbone en Amazonie

Une des sessions où le projet TerrAmaz était représenté, "Stratégies juridictionnelles pour un développement territorial à faible émission de carbone en Panamazonie", a permis d'échanger sur les limites et le potentiel des initiatives territoriales pour le développement durable des territoires amazoniens. Le Cirad et TNC ont organisé la session, invitant la Tropical Forest Alliance et la mairie de Paragominas à s'exprimer. Imaflora (Institut de gestion et de certification forestière et agricole), la chaire Josué de Castro de l'Université de São Paulo, l'Institut du Centre de Vie (ICV) et l'Université Fédérale Rurale de l'Amazonie (UFRA) ont également été invités à commenter les exposés et à alimenter les débats.

Selon les participants, ces stratégies peuvent consolider les efforts et aligner les intérêts des différentes parties, telles que les autorités publiques, les communautés locales et d'autres secteurs de la vie sociale, afin d'atteindre les objectifs du développement territorial durable. L’implication directe du gouvernement local dans ces stratégies est importante, car il est souvent difficile de garantir la présence des autorités publiques dans d'autres initiatives non juridictionnelles.

Toutefois, la continuité des initiatives peut poser des problèmes lorsqu'elles dépendent de visions et de décisions qui sont circonscrites par un mandat politique et ne sont pas garanties par un cadre réglementaire légal. Les différents participants doivent s'impliquer en permanence, au-delà des mandats politiques, et être suffisamment flexibles pour répondre aux nouveaux défis et aux nouvelles opportunités. Pour David Katz, qui a parlé des coalitions territoriales, des politiques publiques et des compétences institutionnelles, il est important de concevoir des politiques en fonction des ressources humaines, économiques, politiques et sociales disponibles sur le territoire et d'encourager la régularisation environnementale.

Les participants ont également insisté sur le caractère progressif des approches territoriales Elles doivent être organisées dans le temps à partir d'un point d'intérêt central, qui peut être complété par d'autres thèmes ou dimensions, étape par étape.

Enfin, la capacité des approches juridictionnelles à atteindre des objectifs territoriaux au-delà de la réduction de la déforestation a été soulignée, comme l'intensification agricole, l'organisation des  filières et la certification territoriale.

L'élevage régénérateur

Lors d'une autre session, auquel participait le coordinateur de TerrAmaz Paragominas, René Poccard-Chapuis, le débat a porté sur "L'élevage régénératif en Pan-Amazonie : transitions vers des systèmes alimentaires et des paysages résilients". Le panel était organisé par IMAFLORA, la Chaire Josué de Castro et le CIRAD (le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement).

La session a permis de revoir l’image négative souvent véhiculée autour de l’élevage bovin en Amazonie dès lors que les éleveurs arrivent à adopter des pratiques innovantes d’élevage régénératif. Ces pratiques, dont plusieurs sont déjà présentes en Amazonie, peuvent permettre à l’élevage bovin de réduire ses impacts sur le changement climatique tout en permettant la conservation de la biodiversité. 

Contrairement à ce que l'on conçoit habituellement lorsqu'on parle de technologies innovantes, il ne s'agit pas nécessairement de privilégier des technologies coûteuses qui ne sont souvent pas adaptées à la réalité locale, mais plutôt des technologies accessibles qui tiennent compte des spécificités géographiques et sociales de la région amazonienne. Dans ce contexte, les participants ont discuté de l'intensification modérée. "Pourquoi parler d'intensification modérée ? Parce qu'il faut que ce soit une technologie simple et facilement accessible à tous, y compris à la réalité vécue par les habitants de l'Amazonie, à savoir l'isolement, les longues distances et les mauvaises routes", a déclaré René Poccard-Chapuis. Selon René, l'élevage bovin extensif en Amazonie a gaspillé et dévasté les ressources naturelles et la matière organique des sols. Mais, ces mêmes ressources naturelles peuvent être bien mieux utilisées par les agriculteurs grâce à de bonnes pratiques. Ces pratiques permettent alors à l’élevage bovin de ne plus être un facteur de dégradation mais au contraire un élément essentiel de la restauration des sols et des paysages.

C'est le cas, par exemple, de la technique du pâturage tournant mise en œuvre par le projet TerrAmaz dans les petites et moyennes exploitations bovines de Paragominas au Brésil et du Guaviare en Colombie. Elle consiste à diviser le pâturage en petites parcelles, à concentrer le bétail dans l'une d'entre elles, à laisser les autres se reposer le temps suffisant. Le bétail tourne entre les différentes parcelles. En pâturant au bon rythme, cette technique permet de récupérer rapidement les pâturages dégradés, d'augmenter la productivité du troupeau et le revenu du producteur, de réduire les émissions de méthane et de séquestrer le carbone dans le sol, tout en conservant ou en restaurant les forêts environnantes. TerrAmaz a contribué à simplifier et à rendre moins coûteuse l'installation du pâturage tournant dynamique, contribuant ainsi à démocratiser cette technique auprès des agriculteurs à faibles revenus.

Pour en savoir plus:  Elevage bovin et forêts en Amazonie

Conclusions sur le Sommet Amazonien

Une série de rapports résultant des discussions tenues lors des dialogues amazoniens a été envoyée aux hommes politiques et aux dirigeants qui ont participé au Sommet de l'Amazonie 2023.  Ces rapports joueront un rôle important dans les prochaines réunions des dirigeants, au-delà des propositions déjà discutées qui ont abouti à la déclaration finale du Sommet de l'Amazonie 2023, ou déclaration de Belém.

Pour en savoir plus : La déclaration de Belém

Malgré les critiques d'une grande partie de la presse et de certains environnementalistes sur le contenu de cette Déclaration, Marie-Gabrielle Piketty a une vision plus positive du contenu de ce document final: "C'est très large, c'est-à-dire que ça couvre de nombreuses problématiques de l'Amazonie, y compris la violence, la participation des communautés indigènes, la santé et la coopération régionale", a déclaré Marie-Gabrielle dans une interview avec le journal Le Point.

Pour en savoir plus : Interview de Marie Gabrielle Piketty dans le journal le Point

Pour David Katz, il a été très enrichissant de constater qu'au Brésil, on ne parle pas d'une seule Amazonie, mais de plusieurs Amazonies. Cela implique de comprendre que différents contextes et dynamiques existent dans cette immense région : "J'apprécie aussi l'effort d'essayer de rassembler différents pays pour penser l'Amazonie comme un ensemble régional. Bien que le chemin de l'intégration régionale ait toujours été difficile en Amérique latine, cet espace offre une opportunité de tisser des liens de collaboration en prenant soin de notre Amazonie", a déclaré David.

Pour René Poccard-Chapuis, il y a beaucoup de choses à souligner, mais il y a surtout un changement important concernant l'échelle territoriale/locale. La décision d'inclure les mairies est une nouveauté, car elles ont toujours été les "parents pauvres" des politiques pour l'Amazonie. "C’est ça qui je pense que doit être salué. C'est la façon d'impliquer les populations locales dans la mise en œuvre de solutions aux problèmes de l'Amazonie", a déclaré René dans une interview accordée à TV 5 Monde.

Pour en savoir plus : Interview de René Poccard-Chapuis dans TV5Monde

Enfin, face au pessimisme qui entoure les questions sur l'avenir de l'Amazonie, Marie-Gabrielle propose une réflexion plus positive sur la façon dont des actions et des projets, qui travaillent en Amazonie avec les acteurs locaux, peuvent contribuer au développement territorial durable de cette région : "On a l'impression qu'il ne se passe rien, mais ce n'est pas vrai. Cela ne veut pas dire que tout est résolu, bien sûr, mais je pense que ce sommet peut aider à renforcer et à mobiliser les dynamiques positives qui sont déjà en cours."

Publiée : 12/09/2023